Peux-tu te présenter, ainsi que ton parcours ?
Je m’appelle Pierre, j’ai 36 ans et j’ai l’honneur et le plaisir d’être le papa d’un petit Noé qui a deux ans et demi. J’ai une formation d’ingénieur, mais n’ai jamais fait d’ingénierie ni de technique : j’ai toujours travaillé en conseil aux entreprises, et plus récemment en particulier pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Je suis associé d’un cabinet qui s’appelle Akceli et je travaille sur des questions de projets politiques, de projets stratégiques et d’innovation.
J’accompagne notamment les organisations à se doter d’une raison d’être, et j’ai travaillé sur la mienne il y a quelques temps, au cours d’un long voyage de coupure et de réflexion : « accélérer la transition vers une société humanimiste, où l’humain s’épanouirait dans un écosystème vivant, et qui trancherait résolument avec le projet de société majoritaire actuel et passé, plutôt orienté sur la confrontation et la compétition ».
En fait, plus les années passent et plus je m’éloigne des sujets techniques pour embrasser des sujets sociaux voire philosophiques car j’ai l’impression que c’est la meilleure manière de faire bouger la société durablement.
En-dehors de mon travail, j’aime les voyages, les rencontres, tout ce qui me permet de me confronter à l’altérité. Je pense être une personne résolument optimiste et anticonformiste !
Par ailleurs, tu portes depuis quelques années maintenant un projet qui fait aujourd’hui l’objet de notre discussion. Peux-tu nous en dire un peu plus sur celui-ci ?
Effectivement, pour incarner ma raison d’être, j’ai mon activité de conseil, mais j’avais envie de trouver un projet entrepreneurial symbolique de ce nouveau projet de société humanimiste. C’est comme ça que je suis tombé sur le concept d’humusation, notamment porté par une structure qui s’appelle Métamorphose, et qui constitue une alternative funéraire à l’inhumation et à la crémation. L’humusation s’inspire du processus naturel d’humification pour transformer en quelques mois, de manière douce et sûre, un corps humain en humus sain et fertile. Au-delà, on peut imaginer nourrir un arbre, véritable support vivant de mémoire et constituer ainsi des forêts en lieu et place des cimetières.
Avec l’association Humo Sapiens, créée en 2021, notre objectif est de rendre ce mode de sépulture accessible un jour en France. On a deux missions au quotidien : une mission de recherche et développement, et une mission de plaidoyer. Sur la recherche et développement, on suit une démarche entrepreneuriale assez classique : compréhension du besoin, analyse de l’acceptabilité du concept, conception détaillée de la solution, expérimentation, déploiement. En 2022, on a réalisé un premier pan d’une étude d’acceptabilité sociale, plutôt quantitatif par le biais d’un sondage d’opinion, en partenariat avec Maif. On avait besoin de comprendre l’état de l’opinion sur le sujet, et les résultats ont été extrêmement éclairants et positifs : 59% des Français aspireraient à une mort régénérative, c’est-à-dire que le devenir de leur corps contribue à régénérer l’environnement. C’est une vraie révolution, parce que la société est plutôt dans une distanciation par rapport au vivant ! Et 46% des Français seraient prêts à recourir à la solution d’humification, et là aussi c’est évidemment très fort, vis-à-vis d’une solution qui n’est pas encore en vigueur, et dont on parle encore très peu. C’est un signe qu’on est vraiment au bon moment de l’histoire de société, des aspirations. On veut compléter cette année l’étude par un volet plus qualitatif, qu’on va faire faire par un sociologue, toujours en partenariat avec Maif.
Sur la partie plaidoyer, on s’adresse au grand public et aux décideurs. Auprès du grand public, on a expérimenté différentes modalités depuis notre création : participation à des salons autour des thématiques écologiques et du funéraire, organisation d’événements physiques, d’information en ligne, animation de réseaux sociaux. C’est ce qui nous permis de passer de 8 adhérents en mai 2022 à 120 aujourd’hui. Vis-à-vis des décideurs, on rencontre les élus locaux, qui sont concernés dans la mesure où les collectivités sont responsables des politiques funéraires : ce sont elles qui doivent gérer les problématiques en termes de pollution, de surfaces foncières nécessaires, d’énergie, de coût. On est déjà en relation avec 4 ou 5 collectivités déjà très intéressées par le sujet. Et on échange avec des responsables de fédérations ou des professionnels du funéraire, qui ont eux aussi à cœur de s’interroger sur l’avenir de leur métier, qui sont en veille et commencent à nous aider dans des logiques de recherche.
Plus globalement, le projet vise à réinterroger la place de l’humain dans le monde, et plus précisément dans le vivant. Il me semble que le récit actuel sous-tend que l’humanité trouvera son salut en affirmant sa supériorité par rapport au reste du vivant. Pour moi, cette vision du monde est aussi la cause des problématiques actuelles, qu’elles soient sociales, écologiques voire économiques et donc il faut un renversement profond de cette vision du monde, où on chercherait non pas à affirmer une séparation, mais plutôt une appartenance à la communauté du vivant. A être plus en considération et en harmonie avec le vivant.
Pourquoi as-tu fait ces choix dans ton parcours professionnel et d’engagement ? Quelles sont les convictions, les valeurs qui te portent au quotidien ?
Déjà, je bénis la famille dans laquelle je suis né. Mes parents et mes grands-parents m’ont apporté des valeurs de tolérance, de respect, d’ouverture et de justice qui me sont extrêmement chères. En même temps, j’ai longtemps eu tendance à m’appliquer à être quelqu’un de raisonnable, à rentrer dans le rang : on ne m’a jamais appris l’anticonformisme.
Du point de vue du projet professionnel, je me suis complètement laissé porter, jusqu’à mes 25 ans. J’ai eu la chance d’être bien adapté à notre système scolaire, j’ai fait une prépa, puis une école d’ingénieur avant d’entrer dans le conseil, mais je n’affirmais pas de vrais choix personnels, et suivais plutôt une voie toute tracée.
A partir de 2015, avec l’âge sans doute et compte tenu des événements majeurs que j’ai vécu personnellement (des voyages, des deuils) et collectivement (guerre en Syrie, attentats à Paris, COP21…), il n’était plus possible pour moi de ne pas prendre un virage pour essayer de porter un autre modèle de société.
Nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité sont belles et m’apparaissent un socle fort pour porter une société humaniste. Elles ne sont malheureusement que trop peu incarnées dans notre quotidien.
Quel lien fais-tu justement entre le projet que tu portes et ces valeurs ? Qu’est-ce qui t’a attiré vers le sujet de l’humusation ?
A l’origine, je n’avais pas du tout en tête que j’allais travailler dans l’univers du funéraire ! Plus que le « quoi », c’était surtout le « pourquoi » qui m’animais, et je voulais trouver un projet symbolique, fédérateur qui puisse être une brique, un socle pour une nouvelle société qui s’inscrive dans le respect de l’humain et du vivant. Quand j’ai découvert le concept, je me suis dit que c’était exactement ça : un projet qui, en transformant les corps en humus, symbolise le fait que l’humain appartient pleinement au vivant.
En plus, l’avantage des modes de sépulture, dans toute société, c’est toujours un socle culturel : ils sont le reflet de notre société, mais avec une capacité de faire levier. Si effectivement, dans 5 ans, on a la possibilité de transformer nos corps en humus, nos tombes en arbres et nos cimetières en forêts, ça peut vraiment rayonner au service d’une société plus respectueuse et irriguer plein d’autres champs de la société. Donc l’effet levier que porte ce projet me semblait intéressant.
Et puis, ce qui m’a aussi particulièrement animé, c’est que par ce projet, on propose de l’ouverture de droits. On n’enlève rien à personne, on dit juste qu’aujourd’hui, c’est possible de faire de l’inhumation et de la crémation, voire de faire don de son corps à la science, mais aussi de recourir à une nouvelle solution : on permet à ceux qui le souhaitent, qui veulent affirmer leur appartenance à la communauté du vivant, qui veulent faire don de leur corps à la nature, qui sont dans une logique de contre-don, de le faire. Un des freins qu’on oppose le plus souvent à la transition écologique, c’est son côté « restriction de libertés », liberté individuelle à laquelle on s’est habitués ces dernières décennies, et là il n’y a pas du tout ça. Et ça fait bien le lien avec la valeur de liberté de notre République : le choix de funérailles est inscrit dans le code civil, mais aujourd’hui, celui-ci est hyper restreint. Concernant la valeur d’égalité, on est tous égaux devant la mort ! Et concernant la fraternité, je pense à la fraternité envers les autres formes de vivant : ça peut paraître bizarre dit comme cela, mais je pense que c’est assez symbolique de notre époque que de dire qu’il n’y aura pas de fraternité entre humains s’il n’y en a pas aussi avec les autres formes de vivant.
Au moment des Lumières et de la Révolution française, il y a eu tout un travail réalisé sur l’égalité entre les humains. Pour arriver à diffuser ces idées et même s’il y eut des approches autres, on en garde un renforcement de la distanciation avec les autres formes de vivant. On se reconnaissait comme égaux entre humains justement parce qu’on était des humains et différents des autres formes de vivant. Je pense qu’on est en train de le payer maintenant, et qu’on doit avoir un niveau de conscience supérieur, en considérant que non seulement on est fraternels entre êtres humains, mais aussi avec d’autres formes de vivant.
Votre projet Humo Sapiens est résolument collectif, avec dès son lancement, une volonté de créer une communauté. Pourquoi ce choix, quelle importance de la dimension collective dans ce projet ?
Par conviction tout d’abord, parce qu’à partir du moment où on veut faire naître un projet qui permette de densifier le lien social, le collectif est indispensable. La valeur de partage est d’ailleurs inscrite dans notre charte éthique. On est pour le vivre ensemble, et qui dit vivre ensemble dit faire ensemble ! Rien que pour ça, on ne pouvait pas faire autrement.
Par nécessité aussi, parce que tout simplement, pour rendre accessible un jour en France un mode de sépulture régénératif, il faut faire bouger les lignes, culturellement, techniquement, et légalement. Et sur chacun des trois axes, on a besoin de pouvoir faire nombre. Culturellement évidemment, car une culture bouge parce qu’elle devient audible puis majoritaire. Techniquement, parce qu’on a besoin de rassembler les compétences. Aujourd’hui, on a un comité de recherche composé d’un philosophe, d’un sociologue, d’un anthropologue : c’est un sujet pluridisciplinaire et donc on a besoin de se rassembler. Et sur l’aspect légal, on a un travail de plaidoyer à faire : vis-à-vis d’un élu local, d’un député, on est beaucoup plus audibles évidemment quand on est 1000 ou 10 000 citoyens que quand on est 8. Aujourd’hui, on est 8 membres fondateurs, 120 adhérents individuels mais on commence au-delà à constituer un réseau partenarial avec des collectivités, des entreprises, etc
Quels sont aujourd’hui vos principaux enjeux, les questions que vous vous posez ?
Sur le volet R&D, l’enjeu est vraiment de venir creuser, par le biais de l’enquête qualitative que je mentionnais précédemment, ce qui se cache derrière les chiffres plutôt favorables à l’humusation émergeant de notre première enquête : quelles sont les évolutions des représentations du monde, par rapport à la mort, par rapport au corps et au vivant, quels sont les freins et motivations par rapport à l’humusation ? Ça nous sera très utile pour passer à la phase d’après de conception de la solution. Aujourd’hui, il existe déjà une solution légalisée aux Etats-Unis, mais pensée sous une certaine forme : plutôt une solution high-tech, hors sol, qui a des avantages et inconvénients. C’est complément maîtrisé, efficace, optimisé, mais au niveau de la symbolique, on n’est pas vraiment au contact de la nature. Il y a d’autres manières de faire, notamment en Belgique, qui sont plus low tech. L’enquête quali va donc aussi nous permettre de nous orienter vers la bonne solution qui serait à proposer. On aimerait entrer en phase d’expérimentation autour de 2025/2027. Si on arrive à lever les freins légaux, on aimerait pouvoir lancer la solution autour de 2030. Très concrètement, on a un comité de recherche qui se réunit très régulièrement pour faire avancer la réflexion.
Les enjeux sur le plaidoyer sont de peser davantage auprès des décideurs. Une députée Modem, Elodie Jacquier Laforge, a déposé une proposition de loi en janvier 2023 pour expérimenter l’humusation. On est en discussion avec elle et avec les co-signataires à l’Assemblée pour partager une feuille de route qui mêle à la fois la recherche et développement qui serait portée par l’association, et un plaidoyer politique co-porté par l’association et ces députés.
Fort de toute cette expérience, quelle lecture as-tu aujourd’hui des sujets liés à la fin de vie et de leur perception dans notre société en 2023 ? Où en sommes-nous collectivement ?
Il y a un lien évident avec notre récit de société. Je vais faire un parallèle peut-être un peu douteux, mais c’est comme se dire que comme sur les pubs, toutes les filles font 1m80 avec des mensurations similaires, toutes les femmes devraient être comme ça pour avoir une puissance sexuelle et d’attraction. La notion de puissance est vraiment centrale dans notre récit de société actuelle, et c’est celle-là à laquelle je ne crois plus, et vis-à-vis de laquelle nous souhaitons proposer un contre-récit avec Humo Sapiens : comment on passe d’une quête de puissance à une quête d’harmonie ?
La mort, c’est pareil. A partir du moment où le récit de société, c’est de dire que l’humain dépasse toutes les limites, que c’est le nouveau dieu, comment on donne une explication, un sens à la mort ? Un récit de société un peu plus lointain, avant la révolution industrielle notamment, c’était un récit où il y avait un Dieu qui nous était supérieur, avec un homme qui devait rester humble par rapport à ce dieu-là. La mort avait un sens, car elle nous permettait d’accéder à quelque chose de plus grand que nous, c’était un moyen de se rapprocher de dieu. Dans nos sociétés, qui placent l’homme dans la toute-puissance, le récit ne peut pas intégrer la mort et lui donner du sens. Et donc le sujet devient tabou, il est mis de côté. Tout comme l’est la maladie. Mais encore une fois, il s’agit d’un récit. Quand on en discute avec les gens, beaucoup s’inscrivent dans le récit de la toute-puissance davantage par habitude que par conviction. Les gens qui sont convaincus par ce récit-là, il y en a de moins en moins. Et plus on aura des messages envoyés par les événements climatiques qui nous montreront qu’on n’est pas dans la maîtrise de l’environnement, plus ça nous incitera à cette humilité. Le récit de la toute-puissance ne fonctionnera plus. Quand je parle du sujet de l’humification, ceux qui s’inscrivent dans le récit de l’homme tout-puissant ne le comprennent pas. Ils ne comprennent pas pourquoi l’homme voudrait se mettre au même niveau que les autres formes de vie. Quand on se projette dans une société humanismiste, non seulement cela permet de donner du sens à la mort, parce qu’elle peut redevenir un lieu de passage vers quelque chose de plus grand : l’écosystème vivant. Et ça pourrait presque devenir quelque chose de positif, de joyeux ! Il y a des sociétés dans le monde où on peut voir la mort de manière positive et la célébrer. Réaffirmer une appartenance au vivant pourrait complètement renverser l’image que nous nous faisons de la mort, de la vie et du monde qui nous entoure.
Concernant la vision de la mort aujourd’hui, on retrouve de tout ! Il y a les personnes dans le déni complet, qui restent dans le récit de société purement actuel, et donc l’humification est pour eux une solution horrible, impensable. Il y a les personnes qui sont dans une phase de marchandage, qui acceptent que le récit de société évolue et qu’il faut tenir compte des impacts écologiques mais sans pour autant être dans un nouveau récit de société. On est plutôt dans une réflexion proche de celles des cercueils en carton ou des matières biodégradables, sans percevoir le changement profond que cela induit. On est plus dans une logique de réduire l’empreinte écologique des funérailles que de se dire que l’humain peut affirmer son appartenance au vivant et donc créer du positif, plutôt que de chercher à limiter le négatif. Pour ceux-là, on sent un intérêt mais il manque la partie symbolique du projet. Et après, il y a les acteurs, et ce sont ceux qui nous ont rejoint chez Humo Sapiens, pour qui la brique du nouveau récit de société est au centre de la réflexion.
Au sein de votre collectif d’engagés, quels sont les sujets qui aujourd’hui font débat ?
On a passé beaucoup de temps en 2022 entre membres fondateurs à poser le socle associatif du projet : notre vision de société, nos convictions, nos valeurs. Toutes ces discussions ont permis de solidifier notre projet : la vision de société dans laquelle l’humain considèrerait vraiment qu’il est une forme de vivant, et essayerait de vivre en harmonie entre humains et avec les autres formes de vivant. La conviction qui est que proposer un mode de sépulture régénératif est un levier extrêmement puissant pour tendre vers cette société. Et un système de valeurs : l’espoir, l’audace, le partage et l’humilité.
Ces discussions de fond, de long-terme, on les a eues à l’époque et ça n’est plus trop à l’ordre du jour. On est plutôt, par nécessité d’ailleurs, dans le concret du quotidien : la compta, les dossiers administratifs, la RH, et qui nous prennent beaucoup de temps. Là où la réflexion pourrait se rouvrir, c’est par le biais des travaux de recherche qu’on va mener : ce que vont nous dire les citoyens va alimenter nos discussions, avec un regard nouveau sur l’évolution du rapport au monde, etc. On souhaite aussi essayer d’avoir un échange avec des représentants du monde religieux, des théologiens, savoir ce qu’ils en pensent, si les dogmes religieux sont en adéquation avec ce qu’on propose, …
Dans la mission de l’association, il y a de rendre possible très concrètement l’humification dès que possible, dans les meilleures conditions, mais il y a aussi, quelque part, d’accompagner des réflexions dans la durée autour de la place de l’homme dans le monde. Dans cette perspective, la présence dans notre comité de recherche d’un Dominique Bourg, philosophe très reconnu sur les questions de rapport au vivant, c’est passionnant. J’invite tous ceux qui lisent cet échange à regarder quelques-uns de ses ouvrages.
Selon toi, cette reconnexion de l’homme et de la nature est donc le sujet-clé à la source de notre incapacité à considérer la mort autrement que nous le faisons aujourd’hui ?
Pour moi, le problème de fond qui engendre tous nos défis collectifs, qu’ils soient d’ordres sociaux, économiques, environnementaux, climatiques, crise de la biodiversité, c’est notre rapport au monde qui ne correspond plus à une réalité. On n’est pas maîtres et possesseurs de la nature comme on a pu le croire ! Comment peut-on dire quand on se prépare à + 2, 3, 4, 6 degrés supplémentaires qu’on est maîtres de la nature ? c’est une illusion ! Il faut l’accepter, ce n’est pas grave et ça n’empêchera pas l’humanité de s’épanouir et d’être heureuse, que d’accepter qu’on a des limites et de les prendre en compte.
Le nœud donc, une fois encore, c’est ce récit et bien évidemment la notion d’égo derrière tout ça. Si on arrivait à remettre l’humilité en valeur centrale, ça serait formidable. Dans un récit de société qui nous place tout en haut, on n’accepte pas la mort et on ne lui donne pas de sens. Ce qui peut générer beaucoup de souffrance aussi ! Parce que pour toutes les personnes qui perdent un proche ou n’arrivent pas à se projeter dans leur propre mort, sans arriver à lui donner du sens, c’est très compliqué. Et ça fait partie aussi du projet qu’on a : permettre de mieux appréhender la mort, en lui donnant du sens. Et puis, en réponse à l’éco-anxiété, voire l’éco-culpabilité grandissante, proposer des solutions d’apaisement.
On reçoit déjà beaucoup de messages en ce sens, et qui me touchent beaucoup. De personnes qui sont reconnaissantes, qui nous disent qu’elles se projettent beaucoup mieux dans leur mort, qu’elles retrouvent du sens, qu’elles pourront partir en paix, … Les adhésions qu’on reçoit sont aussi une traduction de l’espoir qu’on véhicule.
Tu as déjà partagé beaucoup de choses, mais qu’est-ce qui te rend particulièrement fier dans le projet ?
On a une fierté collective d’arriver à fédérer et de donner de l’espoir : quand on a créé le projet à 8 il y a un an et demi, on ne savait pas ce que ça donnerait ! On aurait pu rester 8 fous pendant longtemps (rires). Aujourd’hui, on peut commencer à se dire qu’on apporte une réponse à un besoin. On a su avoir le courage de suivre nos convictions intimes et profondes, qui sont en décalage profond avec un récit majoritaire de société, qui permettent d’ouvrir une brèche à une partie croissante de la population et de construire ensemble un autre récit de société.
Pour finir, que peut-on souhaiter à Humo Sapiens ?
On lui souhaite de rendre accessible un jour un mode de sépulture permettant d’inscrire l’humain dans le cycle du vivant. Mais surtout, je souhaite que ce projet contribue réellement à faire changer la société au global. On ne pourra jamais mesurer la contribution d’Humo Sapiens dans ce changement, mais ça n’est pas grave ! Il y a tellement de choses à changer : les indicateurs de mesure qu’on utilise, les classements qu’on suit, mais j’ai extrêmement confiance dans le fait que le changement va avoir lieu : même s’il y a un récit majoritaire et que beaucoup de médias le véhiculent, sur le terrain, il y a énormément d’initiatives partout dans le monde qui vont dans le sens d’une société plus respectueuse du vivant. Quand elles vont commencer à sortir du bois, ça va déferler ! Le récit actuel reste majoritaire pas parce que les gens y croient, mais parce qu’il n’y a pas de récit alternatif. Je suis persuadé que si on arrive à proposer un autre récit, il va prendre. Il y a un vrai rôle de l’écologie politique, et un véritable enjeu que le politique formalise un projet autour du respect de l’humain et du