Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Fanny, je suis ton amie depuis qu’on s’est rencontrées chez Balthazar, en conseil en transformation. J’ai un mari et un petit garçon, je suis une ancienne Parisienne amoureuse de Paris, et j’habite maintenant à côté de Tours.
Professionnellement parlant, j’ai un parcours assez cohérent, mais qui n’est pas un parcours d’expertise linéaire. Ce qui me définit, c’est de faire du « life design » régulièrement : je me réaligne sur où j’en suis, ce que je suis, ce qui me motive, ce que ça veut dire en termes de projet de vie. A partir de ce constat, je me demande quel impact ça a sur ma vie, celle de ma famille, de mon couple, sur ma vie professionnelle et amicale, mon lieu de vie.
Je te considère comme une experte du changement ! Peux-tu justement m’en dire plus sur ces phases de transition, et sur la manière dont tu les abordes ?
Avant de commencer, je préfère préciser qu’il s’agit d’un modèle personnel, que je ne conseillerais pas d’appliquer, car il n’est pas toujours confortable et qu’il faut pouvoir le soutenir (rires). Et je pense surtout qu’il y a d’autres voies possibles.
Jusqu’à 16 ou 17 ans, je ne me suis jamais posé de questions dans la vie. C’était fluide, facile. Je n’avais jamais eu l’impression de regarder ce que je faisais. Les questionnements existentiels sont venus du jour au lendemain. Un jour, je me suis retrouvée perdue devant une feuille d’examen, avec un cerveau qui ne fonctionnait plus. J’ai eu un premier moment d’effondrement existentiel à ce moment-là qui m’a beaucoup questionnée. Je me trouvais en échec, je commençais à me demander ce que je voulais. C’est tombé au moment des choix d’orientation, on me demandait ce que je voulais faire comme études, puis comme métier, et donc dans la vie en général.
En réfléchissant, je me suis rendu compte que l’élitisme m’angoissait complètement, j’y voyais un manque d’authenticité, un sentiment d’être obligée de répondre à une exigence qui me semblait hors de propos. Je n’avais pas de passion, j’ai toujours eu beaucoup de centres d’intérêts et d’appétence pour des choses différentes et peu de pression de la part de ma famille. J’avais devant moi un champ extrêmement ouvert et je ne savais pas quoi en faire. J’ai commencé par me demander comment je sentais les choses, je me suis inscrite à plein d’endroits, et suis un jour tombée sur une brochure pour une école d’ingénieurs. Elle m’a fait envie, je le sentais bien et j’ai fait le choix d’y rentrer.
Les phases de transition se sont ensuite enchaînées : depuis ce moment, il y a des phases de ma vie où je vis tout simplement, d’autres où je sens que je commence à faire des efforts pour vivre, et d’autres où je me dis que ça ne va plus, que je n’arrive plus à soutenir le quotidien. Jeune, ces phases se manifestaient souvent par des excès – trop boire, manger, sortir, pas assez dormir – et plus tard par des angoisses, des sentiments forts ou désagréables. Et malgré tout, ça n’a jamais fini en rupture forte, plutôt en « révolution douce » comme l’a joliment qualifié un ami récemment.
Le changement suivant m’est tombé dessus alors que j’étais en école, en TP « viande » en train de faire de la mousse de canard avec une toque, dans un labo de simulation industrielle. Je parlais littérature avec ma coloc et on avait l’impression d’être complètement décalées (rires). Je suis partie faire un stage en Afrique dans le développement au lieu d’aller améliorer mon anglais et de préparer ma carrière. J’avais besoin de questionner mon besoin de faire un boulot de sens profond en développement et aide humanitaire. De cette expérience, je tire que certes il y avait beaucoup de sens, mais que dans la pratique, plein de choses ne me convenaient pas. Je n’étais pas alignée.
Heureusement, j’ai eu de la chance, car j’ai toujours croisé dans mon parcours des personnes un peu hors cadre, qui ont compris mes modes de fonctionnement : mes parents, mon directeur d’école, des personnes ouvertes à mon incapacité à « creuser un sillon » sur le long terme. J’ai beaucoup d’admiration pour les personnes qui restent dans un domaine, moi j’ai une incapacité à le faire !
A la fin de mes études, je savais que l’agroalimentaire et la grande consommation ne seraient pas ma passion, mais il fallait bien travailler, et j’ai eu une expérience de 6 ans dans ce secteur où j’ai appris des choses, développé des capacités, jusqu’à ce que, rebelotte, ce ne soit plus soutenable. Je n’arrivais plus à me lever le matin. J’ai là encore eu de la chance, mon chef a compris la situation et m’a accordé une rupture conventionnelle. Je ne suis pas quelqu’un qui croit à l’abondance, à la notion de destin et que tout vient à toi. Mais je crois qu’il y a eu des moments dans ma vie où les conditions ou les personnes que j’ai rencontrées m’ont aidée à passer des cycles, et ça en était un.
J’ai fait une pause, j’ai tout arrêté. J’étais hyper contente, j’avais l’impression d’avoir retrouvé mon cerveau. Je me suis reposée pendant 3 mois, et puis l’angoisse du vide m’a reprise. Je ne voulais pas repartir dans ma roue. Mon copain du moment m’a dit qu’il était temps que je sorte du bois, et que je réalise mon projet de devenir coach. Ça a été le moment de reposer à 360° toute ma vie, ma famille, mes amis, mes envies : sur le papier, tout allait bien, mais ça n’allait pas à l’intérieur. Je me suis promis que les fois suivantes, je n’attendrais pas aussi longtemps avant de me poser et de préparer ces transitions, parce que cette fois, j’étais allée trop loin. J’ai quitté tout ce qui n’allait pas, notamment mon boulot. Je me suis inscrite en école de coaching, en éliminant une fois de plus celles qui étaient estampillées « élitistes ». Je m’y sentais bien, elle était en phase avec mes envies du moment, j’avais besoin d’un endroit où je puisse m’exprimer librement. Je me suis formée, j’ai coaché pendant un an et demi. Je me suis finalement sentie réalignée mais c’était fastidieux, avec beaucoup de moments de doute. Dans toute phase de changement, il y a ce moment très difficile où on accepte de couper les amarres mais où on ne voit pas encore la prochaine île, c’est le moment le plus inconfortable. Et puis il y a celui où on arrive sur la première île, et où on se rend compte que ça n’est pas la dernière, qu’on n’est pas arrivé ! A chacune de ces phases de changement, c’est la même incertitude et le même inconfort, mais je pense que le fait que ça se soit bien fini une fois fait que j’ai plus de confiance, plus de rapidité à réorienter.
Je suis ensuite rentrée dans un cabinet de conseil en transformation que je trouvais génial. C’est là qu’on s’est rencontrées ! Je me suis retrouvée dans un boulot où je n’avais pas l’impression de bosser car j’étais pile là où je voulais être. Ça a été le début d’un nouveau cycle, qui commençait aussi d’un point de vue perso, puisque c’est le moment où j’ai rencontré celui qui est mon mari aujourd’hui. Et au bout de 5 ans, ça s’est désynchronisé mais je l’ai senti, partagé en temps réel, on est partis à Singapour pour tester une nouvelle expérience de vie : avec mon mari, on a compris que ça ne servait à rien de tout penser à l’avance et qu’il fallait avant tout expérimenter !
A partir du moment où il y a une désynchronisation dans ma vie, je commence à me poser des questions car cela marque le début de la fin du cycle. Et commence une phase, parfois longue, où je n’ai aucun fil à tirer. C’est ça qui est le plus difficile je crois : commencer à changer avant d’avoir une idée précise de la suite. Il y a une phase où il faut que je reste ouverte, car à partir du moment où je suis tendue, bloquée sur un objectif, ça ne fonctionne pas. Donc il faut un subtil équilibre entre lâcher prise, pour revenir sur des zones de plaisir et d’envie, et un peu d’intention car ce n’est pas non plus du « rien faire » ou du laisser-aller. Ce qui est difficile, c’est que ça ne se commande pas tous les jours. Et ça peut être très long ! J’ai compris maintenant que je traverse ces phases qu’il faut les gérer, et que ce que je dois faire dans ces moments-là, c’est surtout de faire en sorte que ça ne pèse pas trop autour de moi. J’explique davantage, je remercie mon entourage de me donner du temps dans ces moments-là, sans me mettre de pression. C’est donc un modèle qui nécessite d’avoir quelques bases solides à l’intérieur de soi, mais aussi à l’extérieur dans son entourage. Et surtout, ce n’est pas quelque chose que j’ai choisi ! J’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui se posent moins de question, qui déroulent un projet de manière plus linéaire, et ça leur convient. Et je pense que si c’était possible pour moi, ça serait aussi plus confortable !
Est-ce que malgré tout, dans cette vie de changement, tu identifies des invariants, des convictions qui restent et qui te portent ?
Oui bien sûr ! Déjà, il y a des gens qui restent : ma base, c’est mon couple, et il y a mon fils bien sûr. Ma famille est ma base, mes parents sont une ressource. Je sais que je ne ferai jamais de choix qui mettraient en péril mon couple ou ma famille. Les amis, avec lesquels je peux partager sur un niveau de relation très authentique, c’est une base pour moi aussi.
Le reste de la vie est pour moi accessoire : le travail me sert à créer les conditions permettant d’avoir la meilleure vie possible avec les gens que j’aime. Et pour que je sois dans le meilleur état de disponibilité, j’ai besoin d’un travail dans lequel je me sente bien : gagner un salaire suffisant, un sujet intellectuel qui stimule mes neurones.
C’est ça mon but au quotidien, vivre avec les gens que j’aime, être disponible au quotidien, avoir l’esprit clair, être en bonne santé, et me sentir gaie. Et ça, toute seule, ça ne vaut rien pour moi.
Tu mentionnes l’importance pour toi d’avoir un travail qui te « secoue les neurones ». Que t’apporte l’accompagnement des transformations individuelles et collectives ?
Je sais que j’ai besoin de nourrir mon cerveau. Quand j’évolue dans des environnements complexes, avec tellement de facteurs techniques, humains, organisationnels, tellement de flux, j’aime absorber toute cette complexité et restituer ce que je vois de manière simple et fluide.
Au niveau humain, je me dis depuis un certain temps déjà que si déjà, je peux ne pas apporter de négativité autour de moi, c’est déjà pas mal. Et si en plus, par la façon dont je me comporte dans les endroits où je passe, je peux apporter quelque chose de positif et d’éclairant, c’est super. Souvent, on ne le sait pas d’ailleurs. Le simple fait de rester dans une posture ancrée, bienveillante, et de faire de son mieux, c’est aidant. Ma mission dans le monde est d’apporter un peu de bonheur, et donc j’essaie simplement d’aider les gens à soutenir le quotidien. Pendant longtemps, j’avais du mal à juste soutenir la vie. Donc j’aime aider les gens à faire ça.
Je suis un catalyseur, et donc par définition pas quelqu’un qui reste. Ce que m’apporte mon travail, c’est aussi de progresser sur le fait de rester, de voir dans quelle mesure c’est possible pour moi, même si je ne partage pas la totalité des valeurs de l’organisation. La vie, ça n’est pas uniquement d’aller là où on a envie d’aller.
Quelle articulation vois-tu entre l’accompagnement individuel et le collectif ?
Personnellement, j’adore les groupes, les formations ou accompagnements de groupe, mais à titre personnel j’ai toujours eu du mal avec l’appartenance à un groupe, alors que j’ai besoin de communauté. Pour moi, l’individu prime sur le groupe, mais on vit en société et si chacun se dit qu’il fait ce qu’il veut, c’est la fin du monde. On revient à l’état sauvage, au sens négatif du terme. Et donc je fais un effort enthousiaste pour contribuer au collectif à ma façon.
Pour autant, le collectif m’a toujours pesé, il m’a toujours semblé nécessiter des concessions. Dans un collectif, on peut être soi-même mais il est forcément régi par des règles. On dit bien que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ! S’il y a « des autres », ça veut bien dire que ta liberté s’arrête. Donc tu peux être libre sur certaines parties, mais pas sur tout, c’est la définition même du collectif. Et pour autant, ça me semble très important de faire des concessions pour qu’il fonctionne.
Ce qui me choque terriblement aujourd’hui, c’est que certains, sous couvert d’une énorme tolérance – chacun fait ce qu’il veut, pense comme il veut, vit comme il veut – en arrivent à ne plus avoir aucune attention pour l’autre. Si on va au bout de ce type de pensée, il n’y a plus de collectif : quelle est la société qu’on construit en faisant ça ? De moins en moins de personnes votent. Comment une société peut-elle fonctionner quand chaque groupe prêche pour sa propre paroisse ? Comment on se fédère autour de valeurs et de fonctionnements communs ? Reprenons les basiques, il y a des collectifs évidents, des besoins primaires auxquels il faut pouvoir répondre. On a juste oublié de réfléchir de façon simple.
Comment d’après toi retrouver des fonctionnements collectifs plus sains ?
Déjà, simplifier : arrêter d’être dans des concepts, des idées générales. Essayer, dans une situation donnée, de comprendre ce qui ne va pas, ici et maintenant, de repartir de l’existant. En arrivant dans une organisation, je repars toujours des sujets concrets qui coincent. Le changement permanent dans une organisation, c’est une réalité. La question, c’est ce qu’on en fait tous, collectivement et maintenant. La réflexion peut se faire à n’importe quelle échelle d’ailleurs, individuelle ou collective.
Une fois qu’on a identifié ce qui coince, l’étape suivante est de se demander de quoi on a vraiment besoin, ici et maintenant. Très souvent, on se rend compte que ça n’est pas si compliqué. A une échelle plus large, celle de la société, les sujets ne sont pas appréhendables par un cerveau humain. Designer un futur durable pour moi personnellement, dans ma vie quotidienne, je peux le faire. Pour ma famille, pour un service, pour une petite entreprise, je peux encore le faire. Pour une petite ville aussi, avec d’autres bien sûr. Mais designer un état désirable pour un pays, pour l’Europe, dans un système mondialisé où tout est interdépendant, je ne peux pas !
Personnellement, je ne suis pas faite pour l’ampleur, et j’ai besoin de trouver la bonne échelle pour penser cet état désirable : c’est pour ça que j’aime beaucoup les coachings individuels, les tailles d’entreprises plus réduites. Je comprends qu’on soit dépité par l’absence globale de vision et en même temps, je pense qu’il faut arrêter de compter sur une grande éminence grise qui va définir un état désirable mondial. Se dire que comme ça, ça n’est plus à portée de main, on va redessiner des états désirables à des échelles où ils sont un peu plus maîtrisables. Chacun son échelle, mais je pense que l’individu ou le petit collectif en est une.
Donc pour redonner du sens, commençons déjà à désirer ce qu’on a déjà, ça serait déjà un très bon début ! En parallèle de se demander quel monde on veut construire, demandons-nous ce qu’on veut préserver et faisons le ici, maintenant dans notre périmètre. Je me retrouve régulièrement face à des personnes ou des équipes à demander « par quoi on commence ? » et à aller déjà au bout de ça. On se met en action rapidement, on essaie, on tente de sentir, et c’est aussi ça qui fait disparaître la peur. Revenir sur un principe de réalité : regarder les choses telles qu’elles sont, partir de là où on en est, et simplifier ce qui peut l’être.
Je vois beaucoup de gens qui sont perdus car ils évoluent dans un environnement de transformation en entreprise, et n’ont pas de points d’attache. Je pense qu’on n’est pas capables de flotter éternellement. Passer son temps à faire bouger les variables, sans en fixer aucune, ça donne un marécage sans pavé solide sur lequel s’appuyer : on s’enfonce dedans, doucement, lentement, sans s’en rendre compte, en ne sachant plus du tout ce qu’on sait faire, sur quoi on est compétent, où on va. De plus en plus, des gens me disent : j’arrive le matin, et je ne sais pas par quoi commencer. C’est le grand mal du moment.
C’est aussi une échelle de temps : quand quelque chose ne marche pas, on se dit tout de suite qu’on a mal fait quelque chose. Déjà si on se laissait le temps d’aller au bout de quelque chose, ça irait mieux. Parfois, ça prend du temps, il faut s’acharner, et il vaut mieux produire un truc pas top et être allé au bout que de ne rien produire du tout parce qu’on a recommencé dix fois. Et pareil pour la vie perso d’ailleurs : parfois il faut suivre son instinct, et ne pas renoncer, ça n’est pas toujours tout cuit. C’est beau, les synchronicités, l’abondance, bien évidemment que ça arrive mais ça n’est pas la norme ! On récolte quand même les graines qu’on sème, donc c’est normal que parfois, la réponse ne soit pas immédiate. Je dirais donc : se dire que si on arrive à faire des choses à l’échelle de quelques mois, eh bien c’est déjà super. Et je crois aussi qu’on est très présomptueux quand on croit maîtriser des plans à plusieurs années pour des entreprises. C’est bien de se donner des intentions, mais en réalité, personne ne maîtrise rien ! Préparons-nous plutôt à être meilleurs dans la réaction aux choses qui arrivent, que de préparer un plan précis. Je me sens beaucoup plus forte dans ma vie depuis que j’ai compris que les choses n’étaient pas maîtrisables, mais que je peux travailler mon état pour être moins déstabilisée quand les choses changent. On fait un peu partie des générations, avec nos parents, qui considèrent que la vie est un long fleuve tranquille, à l’échelle des gros événements collectifs. Les guerres et les pandémies, il y en a toujours eu. Et nous on se demande quand notre vie normale va reprendre. Plus le temps passe, plus je me dis à titre personnel que si je finis ma vie sans guerre sur mon territoire, je serai très heureuse !
Pour finir, quelles sont les petites touches d’espoir que tu vois au quotidien et qui te permettent d’avancer ?
Je n’ai pas besoin d’espoir car je ne suis pas du tout désespérée ! J’ai l’impression d’être réaliste, et de me dire que je ne suis qu’un petit point au milieu de la masse et de la vie. Il y a une partie des choses qui ne changera pas juste parce que je suis là. Je traverse la vie, mais la vie me traverse aussi ! C’est important pour moi d’équiper mon enfant pour la suite, c’est important pour moi à ma toute petite échelle de préparer des conditions favorables pour ce que je maîtrise, mais ni plus ni moins que les générations d’avant. J’ai l’impression que tous les enfants et toutes les générations sont nées dans un contexte où elles ont vécu avec ce qu’elles avaient, et moi finalement je fais pareil. Est-ce que ma vie est plus dure ou plus facile que celle de mes parents, mes grands-parents, ou celle qu’aura mon enfant, c’est très difficile de répondre à cette question et de juger. Donc non, je ne suis pas désespérée.
Je ne pense pas que la vie est un miracle. Les théories de l’effondrement, c’est une échelle trop grosse pour moi. J’ai bien conscience qu’il faut qu’on mette en place des actions pour préserver la planète, et je le fais tous les jours. Est-ce que c’est assez ? Probablement pas mais est-ce que je peux faire plus aujourd’hui, je n’en suis pas sûre.
J’ai conscience de tout ça, mais il y a une marche de l’histoire qui fait qu’il y a des choses qu’on ne maîtrisera pas. Les enfants qui sont nés pendant la guerre ont vécu avec ce qu’ils avaient, je me dis que là c’est pareil. La vie c’est la vie, et il faut vivre la vie qu’on a là. Le désespoir, ça serait de se dire que ça ne sert plus à rien de vivre ! Moi je me dis qu’il y a quand même beaucoup de gens autour de nous qui comptent sur nous, qu’on fait partie des gens en bonne santé, qui ont les moyens d’être un peu disponibles pour les autres car on n’est pas nous-mêmes en mode survie, ce qui est le cas de beaucoup de gens dans le monde. Nous, on a un peu de gras à donner, donc donnons-le d’une façon ou d’une autre !
Il y a quand même plein d’enfants qui naissent et qui vont vivre dans ce monde-là. Ils vont aussi trouver leurs ressources. Sans forcément avoir la conscience d’être plus ou moins heureux que les générations d’avant. Est-ce que tu peux regretter quelque chose que tu n’as pas connu ? Ce que je voudrais, c’est éviter la souffrance, même si j’ai conscience qu’il y en a toujours eu.